La plateforme de droit bancaire et financier des étudiants en Master 2 - Droit européen et international économique et de Droit des Affaires Approfondi - de l'Université Paris XIII

4 mars 2017

PRESENTATION DE LA DSP 2


LA DIRECTIVE (UE) 2015/2366 DU 23 NOVEMBRE 2015 CONCERNANT LES SERVICES DE PAIEMENT

 David KAYOMBO

(04/03/2017)


L’essentiel :
Il est difficile d’encadrer des sables mouvants, c’est un secret de polichinelle. Cette allégorie correspond peu ou prou à la situation à laquelle doit faire face le législateur – tant français qu’européen – ces dernières années. La situation est encore plus compliquée lorsqu’il s’agit d’encadrer des activités liées aux nouvelles technologies, particulièrement si elles s’appliquent aux services de paiement. En effet, suite à l’apparition de nouveaux types de services de paiement et à la croissance rapide des paiements électroniques et mobiles, le marché des paiements de détail a connu d’importantes innovations techniques qui ont poussé le législateur européen à réagir. Cette réaction s’est traduite par l’élaboration d’un cadre qui se veut souple et de nature à ne pas brider la volonté d’innovation, afin de stimuler le marché intérieur. Il s’était agi de sécuriser certaines activités, ainsi que les opérateurs, et surtout le consommateur. Désormais, sont pris en compte et encadrés, des services de paiement innovants, dans le cadre d’un régime souple et sûr.  


In brief :

It is difficult to frame shifting sands, it is a secret of punch. This allegory corresponds more or less to the situation faced by the legislator - both French and European - in recent years. The situation is even more complicated when it comes to supervising activities related to new technologies, especially if they apply to payment services. Following the emergence of new types of payment services and the rapid growth of electronic and mobile payments, the retail payments market has undergone important technical innovations which have prompted the European legislator to react. This has resulted in the development of a framework that is flexible and of a nature that does not restrict the desire for innovation in order to stimulate the internal market. It was about securing certain activities, as well as the operators, and especially the consumer. Innovative payment services are now being taken into account and framed within the framework of a flexible and secure.


INTRODUCTION

« La directive 2007/64/CE[1] a été adoptée en décembre 2007, sur la base d’une proposition présentée par la Commission en décembre 2005. Depuis lors, avec l’apparition de nouveaux types de services de paiement et la croissance rapide des paiements électroniques et mobiles, le marché des paiements de détail a connu d’importantes innovations techniques qui mettent à l’épreuve le cadre actuel ». C’est ce qui ressort du considérant « 3 » de la deuxième Directive concernant les services de paiement dans le marché intérieur [2].
Depuis quelques années, la révolution des moyens de paiement est en marche. Elle s'accélère même et le droit doit très vite montrer sa capacité d'adaptation, voire d'anticipation. Tel est l'objet de la Directive service de paiement dite « DSP 2 » votée le 25 novembre 2015 par le Parlement à la suite d'un long processus d'élaboration[3]. Deux objectifs avaient été assignés au texte. Il s’agissait, d'une part, de créer des conditions de concurrence égales pour toutes les catégories de fournisseurs de services de paiement, d'autre part, de faciliter l'offre de services transfrontaliers de paiement par carte, internet et téléphone mobile innovants en établissant un marché unique pour tous les paiements de détail[4]. Plus une évolution qu’une révolution[5], elle fixe le cadre juridique des services de paiement au sein de l’Union Européen. La Directive s’applique aux services de paiement, mais ne définit pas directement ces derniers. Elle se contente d’énoncer[6] qu’il s’agit d’« une ou plusieurs des activités visées à l’annexe I exercées à titre professionnel ». Parmi ces activités, nous trouvons notamment les services d’initiation de paiement les services d’information sur les comptes, grandes nouveautés de la DSP 2.
L'opération de paiement est entendue comme une action initiée par le payeur ou pour son compte ou par le bénéficiaire, consistant à verser, à transférer ou à retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire[7]. Et, lorsqu’elle est initiée par l'intermédiaire de l’internet ou au moyen d’un dispositif pouvant être utilisé pour la communication à distance, il s’agit d’une opération de paiement à distance.

La DSP 2 modifie certains aspects de la relation entre les prestataires de services de paiement et les utilisateurs de ces services[8]. En ce qu’elle a pour objet de combler les lacunes de la DSP 1, elle fixe – et met à jour – le cadre juridique des services de paiement, notamment en faisant entrer dans son champ d’application de « nouveaux » services de paiement (II). Toutefois, ce n’est pas son seul mérite. En effet, il convient de rappeler qu’elle s’inscrit au cœur de la construction du marché unique de l’Union Européenne. A ce titre, elle est la pierre angulaire du projet SEPA[9] (I). 

I.                La pierre angulaire du projet SEPA

L’une des idées-forces qui sous-tend le projet SEPA est d’instaurer et organiser une concurrence de nature à dynamiser le marché des services de paiement (B). Ainsi, la DSP 2 s’inscrit dans la continuité d’un travail amorcé bien avant l’adoption de la DSP 1 : la construction du marché intérieur. Ce marché s’entend comme une zone d’échange unique et sans frontière à laquelle il fallait donc conférer un cadre juridique mettant en place une zone de paiement unique (A).

A.    Un espace unique de paiement

L'Espace unique de paiement en euros (SEPA[10]) est un projet réglementaire européen qui vise à uniformiser les virements, les prélèvements et les paiements par carte dans l'espace européen. Il a été initié en 2002, avec le soutien des institutions européennes, par le Conseil européen des paiements, qui rassemble les communautés bancaires européennes ainsi que les principales banques européennes pour renforcer l'intégration du marché intérieur européen[11]. Ce sont aujourd’hui la DSP 2 – prenant la suite de la DSP 1 – et d’autres directives et règlements européens[12] qui fournissent le cadre juridique à son déploiement.

La zone géographique concernée est plus large que l’Union Européenne. En effet, elle comprend l’ensemble des pays de l'Union européenne, qu'ils soient ou non dans la zone euro, ainsi que la Norvège, l'Islande, le Liechtenstein, la Suisse et Monaco. Cette harmonisation est une nouvelle étape dans la construction du marché unique européen, après le lancement de l'euro en 1999 et le passage à l'euro fiduciaire en 2002. L’objectif en est de simplifier les procédures et de réduire les coûts des échanges transfrontaliers[13]. C’est dans ce cadre qu’intervient la DSP 2 qui a pour objet de règlementer les services de paiement en instaurant un cadre juridique de nature à dynamiser le marché des services de paiement.

B.    Une dynamisation du marché des services de paiement

Brisant le monopole des banques pour ouvrir le marché aux établissements de paiement, la DSP 1 a été une étape essentielle dans la libéralisation des services de paiement. L’émergence d’acteurs innovants, en rupture avec les paradigmes établis, s’appuyant sur les nouveaux usages et les nouvelles possibilités technologiques, a conduit le régulateur européen à réagir en régissant ces « nouveaux » services[14], bien qu’il ne soit pas facile d’encadrer des sables mouvants. Ainsi, la directive introduit une définition neutre des services de paiement afin de ne pas brider l’innovation, tout en garantissant aux prestataires, qu'ils soient déjà en place ou nouveaux venus sur le marché, des conditions d'exercice de l'activité équivalentes[15]. L’idée est de soutenir la croissance économique de l’Union européenne en permettant aux acteurs du marché d’avoir un large choix de services de paiement transparents et sûrs, favorisant la pérennité du climat de confiance.

Par ailleurs, pour éviter tout abus du droit d’établissement, il a été prévu que l’établissement de paiement qui demande l’agrément dans un État membre y exerce au moins une partie de son activité de prestation de services de paiement[16].

II.             Les nouveaux services de paiement

La DSP 2, bien que s’inscrivant dans la continuité de la DSP 1, apporte son lot de nouveauté, notamment en matière de services de paiement (B). Ces services sont fournis par des prestataires que sont les établissements de paiement. Nous nous efforcerons d’évoquer certains aspects du régime qui leur est applicable (A).

A.    Le régime des établissements de paiement

Les établissements de paiement sont définis de façon neutre « comme une personne morale qui, conformément à l’article 11, a obtenu un agrément l’autorisant à fournir et à exécuter des services de paiement dans toute l’Union »[17]. Ils sont soumis à une règlementation prudentielle et de conformité, avec toutefois des règles particulières à certains d’entre eux[18]. Ils devront faire l’objet d’un agrément avant de fournir l’un des services de paiement, à la condition première d’établissement dans un État membre. Toutefois, les conditions de l’agrément sont moins exigeantes que celles requises aux fins d’agrément en tant qu’établissement de crédit. Ceci est logique, les activités des établissements de crédit sont beaucoup plus risquées et ont un champ plus large que les seuls services de paiement[19]. Par ailleurs, aux termes de l’article 5[20], les établissements qui envisagent de fournir les services visés à l’annexe 1, points 7 et 8, doivent disposer d’une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant les territoires où ils proposent leurs services ou une autre garantie comparable contre l’engagement de leur responsabilité vis-à-vis, selon les cas, des utilisateurs et/ou de leurs banques.
La liste des services de paiement figurant à l’article L. 314-1, II du CMF, sera complétée au moment de la transposition de la DSP 2, afin qu’y figurent les nouveaux services de paiement que sont l’initiation de paiement et le service d’information sur les comptes. 

B.    Les nouveaux services de paiement

Il s’agit des services d’initiation de paiement (1) et d’information sur les comptes (2). La DSP 2 entend les encadrer afin de conférer aux utilisateurs une protection adéquate, tant pour les paiements qu’ils effectuent ou pour les données relatives à leur compte, mais aussi quant au statut des prestataires de services[21]. Ainsi, du fait du caractère très intrusif de ce service, il est prévu qu’un prestataire de services de paiement gestionnaire du compte (ci-après PSPGC) [22] puisse refuser à un prestataire de services d’information sur les comptes (ci-après PSIC) ou à un prestataire de services d’initiation de paiement (ci-après PSIP) l’accès à un compte de paiement[23].

  1. L’initiation de paiement

Ce type de service est défini à l’article 4, 15 de la DSP 2 comme « un service consistant à initier un ordre de paiement à la demande de l'utilisateur de services de paiement, concernant un compte de paiement détenu auprès d'un autre prestataire de services de paiement ». Ils sont fondés sur l’accès, direct ou indirect, du prestataire de ce type de services aux comptes du payeur. Ils interviennent dans les paiements dans le cadre du commerce électronique en établissant une passerelle logicielle entre le site internet du commerçant et la plate-forme de banque en ligne de la banque de l’utilisateur, en vue d’initier des paiements par l’internet sur la base d’un virement[24].

Concrètement[25], l’ordre de paiement sera adressé au prestataire[26] (et pas à la banque) qui prélèvera directement les fonds du compte de son client. Ces fonds seront consignés dans un compte dit « récipient »[27] (tenu par la banque de son client). Après s’être assuré que ce premier transfert de fond avait eu lieu, les fonds sont transférés au bénéficiaire (commerçant) qui, comme l’utilisateur, recevra notification du succès de l’opération. Ainsi, ces services permettent aux utilisateurs de faire des achats en ligne même s’ils ne possèdent pas de carte de paiement. La sécurité serait garantie par un double niveau de sécurité, comme les mécanismes d’authentification forte. Notons que l’accès à ce type de services est un droit, sous réserve que le compte soit accessible en ligne[28].

L’autre nouveauté de la DSP 2 est le service d’information sur les comptes.

  1. Service d'information sur les comptes

Définis à l’article 4, 16 de la DSP 2 comme un service en ligne consistant à fournir des informations consolidées concernant un ou plusieurs comptes de paiement détenus par l'utilisateur de services de paiement, soit auprès d'un autre prestataire de services de paiement, soit auprès de plus d'un prestataire de services de paiement.

Ces services consistent, au premier chef, à fournir aux utilisateurs multi-bancarisés la possibilité d’agréger[29] des informations portant sur l’ensemble de leurs comptes ouverts dans leurs différentes banques afin qu’ils aient une vision consolidée de leurs avoirs. A partir de cette vision globale, le client se voir offrir des services complémentaires d’assistance à la gestion de ses finances personnelles : regroupement par typologie de dépense, aide à la gestion du budget ; évolution du solde, etc.



[1] Ci-après « DSP 1 ».
[2] Directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les Directives 2002/65/CE, 2009/110/CE et 2013/36/UE et le Règlement (UE) n°1093/2010, et abrogeant la directive 2007/64/CE (ci-après « DSP 2 »).
[3] Préparée par le Livre Vert « Vers un marché intégré des paiements par carte, par internet et par téléphone mobile », il y a eu une proposition de texte publiée par la Commission européenne le 24 juillet 2013.
[4] Dominique Legeais, « Directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur », RTD Com. 2016, p. 163.
[5] Pierre Storrer, « De la DME 2 à la DSP 2 : le nouvel horizon des paiements », Banque & Droit nº 152 novembre-décembre 2013
[6] Article 4, 3 de la DSP 2.
[7] Article 4, 5 de la DSP 2.
[8] Par exemple le renforcement du droit au remboursement en cas de paiement non autorisé.
[9] Régis Bouyala, La révolution FinTech, RB édition, 2016, p. 35
[10] Single Euro Payment Area.
[11] Isabelle Angesicht et Julie Martinat, « Gestion - Moyens de paiement - Le SEPA emboîte le pas », Juris associations 2013, n°486, p. 44.
[12] Dont les Directives sur la monnaie électronique dites « DME » 2009/110/CE et 2000/46/CE ; le règlement (UE) n° 2015/751 relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte ; ou encore la Directive 97/5/CE concernant les virements transfrontaliers.
[13] Ainsi, elle facilitera les paiements en Europe en uniformisant les délais d'exécution et en renforçant la fiabilité et la sécurité des flux. Toutes les structures publiques et privées, quelles que soient leur taille ou leur activité, sont concernées, même si elles ne réalisent que des opérations en France.
[14] Qui étaient hors du champ d’application de la DSP 1 et qui, par leur nature, présentent des risques tels qu’il était indispensable de les encadrer.
[15] Considérant 21 de la DSP 2. L’idée étant que les activités existantes doivent être sécurisées, de même que les rapports existants entre consommateurs et professionnels.
[16] Considérant n°36 et article 5 de la DSP 2.
[17] Article 4, 4 de la DSP 2.
[18] Dont un régime « allégé » d’agrément prévu à l’article 32.
[19] Le considérant 34 de la DSP 2 donne clairement les justifications de cette différence. 
[20] en ses points 2 et 3
[21] Grâce notamment aux obligations qui incombent à ces derniers, à la charge de la preuve et au mécanisme de remboursement.
[22] Une banque.
[23] Pour des raisons de sécurité objectivement justifiées et préalablement communiquées aux autorités de surveillance (Article 68, 5 de la DSP 2).
[24] L’instrument de paiement sous-jacent à l’opération d’initiation de paiement.
[26] L’article 64 de la DSP 2 prévoit qu’une opération de paiement ne soit autorisée que si le payeur a donné son consentement à l’exécution de l’opération de paiement. Elle peut être autorisée par le payeur avant ou, si le payeur et le prestataire de services de paiement en ont convenu ainsi, après son exécution. Le consentement peut être retiré avant qu’elle ne devienne irrévocable, conformément à l’article 80. Ce dernier prévoit que l’ordre de paiement est irrévocable une fois que celui-ci a été reçu par le prestataire de services de paiement du payeur, sauf disposition contraire.
[27] Car l’article 66, 3, a) de la DSP 2 prévoit que le prestataire « ne détient à aucun moment les fonds du payeur en liaison avec la fourniture du service d’initiation de paiement ».
[28] Article 66, 1 de la DSP 2.
[29] D’où l’appellation « agrégateur » utilisée pour désigner les prestataires de ce type de service.

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